Préface d’Alain Héril :
Quelle étrange idée que de faire un livre de survie à l’usage des proches d’une personne effectuant une thérapie! Etrange idée oui mais ô combien utile!
Depuis 20 ans que je consulte en tant que thérapeute, l’un des leitmotiv que j’entends le plus souvent de la part de mes patients peut se résumer ainsi: » je veux faire un travail sur moi, mais j’ai peur des conséquences! » On pourrai penser qu’il y a là comme une peur du changement pour soi, une crainte à modifier sa vision du monde et à s’en trouver désamparé et sans repères. En l’occurence c’est bien par rapport aux eventuelles conséquences pour l’entourage que les patients s’expriment.
De quoi ont-ils peur? Bien souvent d’être amenés à quitter leur partenaire, à ne plus aimer leurs enfants, à en vouloir à leurs parents. Evidemment faire une thérapie n’aboutit pas obligatoirement à un ménage par le vide autour de soi. Bien au contraire, c’est une prise de conscience du sens profond et réel de l’ensemble de ses relations. Et le travail thérapeutique àmène à les regarder différemment, à mieux prendre acte des jeux et des enjeux psychologioques et relationnels dans lesquels le patient peut être englué et en souffrance depuis parfois de longues années.
Evidemment tout cela entrîane des changements. Mais ces changements sont nécessaires à une autre manière de vivre avec soi-même, donc avec les Autres.
Anne-Catherine Sabas parle dans ce livre de cette notion de changement, de son urgence même sans laquelle le travail d’introspection n’aurait pas de réalité active. Et elle aborde aussi le fait que vous vivons en corrélation avec ce qui nous entoure. Nous sommes membres de systèmes auxquels nous participons, non pas en tant que simples parties inertes, mais en tant qu’acteurs. Et si l’environnement nous crée et nous influence, nous l’influençons et créons aussi l’environnement. Tout cela participe à la grande loi des systèmes.
Aussi, se modifier soi, c’est modifier le système! Et pour que celles et ceux qui côtoient le patient durant son évolution puissent le suivre, vivre avec lui, l’accompagner, il est nécessaire et indispensable qu’ils se mettent en mouvement eux aussi. Cela procède d’une logique irréfutable. Mais même si nous souhaitons le changement, il crée des crispations, car il est fait d’une part dinconnu qui nous alarme et nous désarçonne.
Le patient sait bien tout cela; l’entourage aussi, mais ce savoir est fait de tant de craintes, qu’il inhibe la possibilité salvatrice d’un changement.
Le livre d’Anne-Catherine Sabas donne du sens et du bon sens à ces multiples mouvements. Il met en lumière ce qui est sous-jacent et fantasmatique pour redonner de la souplesse et déculpabiliser celles et ceux qui veulent entreprendre une thérapie ainsi que leur entourage.
Bien sûr il ne s’agit pas d’envoyer tout le monde chez le thérapeute et d’allonger sur un divan la planète entière. Mieux que cela les propos de l’auteure accréditent l’idée que l’acceptation du mouvement de la vie est une source fédonce de libération.
Car « faire une thérapie » pour changer c’est bien, mais il est tout aussi utile de savoir vers quel changement on veut aller. Le changement dont parle Anne-Catherine est celui qui redonne à la pulsion de vie sa part première et dynamique. C’est celui qui remet l’Eros au centre du débat. Cela rend plus libres, plus matures.
La thérapie est un chemin vers cela, comme peut l’être l’activité artistique.
Mais à ce niveau-là, l’accompagnement thérapeutique dans sa dimension existentille et spirituelle, ne devient-il pas un art?
Le thérapeute et son patient co-créent les conditions pour une modification joyeuse du système relationnel global du patient. Et de cette « aventure » chaque partie en sort grandie: le thérapeute, le patient, et son entourage.
Alain Héril,
Psychanalyste, auteur
Livre disponible sur le site de l’éditeur