Préface d’Alain HERIL
« Il ne peut y avoir de groupe libre si les personnes qui le composent ne sont pas libres »
Didier Anzieu
« La plupart de nos contemporains passe plus de temps au travail qu’auprès des êtres chers. Le travail devenant ainsi un lieu d’enjeux, de conflits, de projections où, souvent ce qui ne va pas dans son quotidien affectif cherche à se résoudre dans une proximité professionnelle.
Il est évident que même si on fait l’effort de ne pas répondre aux sollicitations du monde professionnel, celui-ci reste un endroit où les émotions négatives peuvent être vivaces et portées parfois à leur plus haut degré d’incandescence. Douleurs physiques, états dépressifs, conflits violents, harcèlement, peurs…la liste est longue pour évoquer ce que le travail (mot apparu en 1130 et provenant du latin tripaliare qui signifie torturer, tourmenter !) peut engendrer comme tourments, maladies et somatisations diverses.
Et pourtant, travailler est devenu identitaire depuis très longtemps dans notre culture. Si on ne travaille pas ou plus, on est déconsidéré et la place dans le corpus social ne se trouve plus ou très difficilement. « Je suis » revenant à pouvoir dire, « je travaille ». Mais le lieu de l’activité professionnelle est aussi un lieu de relations humaines. Et force est de constater que, bien souvent ce sont les fondements les plus obscurs de l’être humain qui sont appelés à s’exprimer. L’entraide, la solidarité, l’empathie…sont des qualités qu’il vaut mieux laisser de côté pour rester sur le versant de la performance, du combat, de la concurrence.
Et beaucoup de se retrouver ballotés et blessés au plus profond d’eux-mêmes dans un monde sans pitié, sans loi, sans foi…
Anne-Catherine Sabas fait ici le bilan de ces mécanismes propres à certaines institutions, organisations ou administrations où la souffrance est de plus en plus palpable et où l’humain a du mal à rester au centre du débat. Ce bilan s’inscrit dans la continuité des travaux de Christophe Dejours et Marie-France Hirigoyen qui, en leur temps ont souligné le lien délétère qui pouvait exister entre monde du travail et souffrance psychologique.
Mais ce livre ne s’arrête pas à un constat de faillite du monde professionnel. Il propose aussi des pistes pour se sortir de l’ornière organisationnelle et trouver un peu de sens au milieu d’un monde devenu fou. Le retour à la Loi, l’importance du monde extérieur, la reconstruction personnelle, le changement de regard…tous ces axes sont explorés afin de pouvoir dire que rien n’est perdu d’avance et qu’un individu n’est pas simplement un numéro, un pion, un objet. Il peut avoir une capacité à l’action, à la décision. Il a des ressources en lui-même qui sont ses meilleurs atouts, ses meilleures armes.
La force de cet ouvrage est à cet endroit là. Il invite à ne pas baisser les bras, à saisir toutes les occasions pour briser les soumissions, et trouver une solidarité qui puisse aider à dépasser la pulsion de mort inhérente à certains comportements groupaux.
Ce livre est un appel à la liberté et à l’action. En ce sens, et en ces temps difficiles, il est précieux. »
Alain Héril
Psychanalyste, Sexothérapeute
Livre disponible sur le site de l’éditeur