Un grand merci à mon cher ami et complice Alain Héril pour ce texte magnifique qui va conclure avec sensibilité et force mon prochain livre, « Une famille enfin paisible », prévu le 3 mars aux Editions du Rocher.

« Notre travail n’est pas celui de réparer le monde entier en une seule fois mais de tendre à rétablir cette part du monde se trouvant à notre portée. » Clarissa Pinkola Estes

Lorsque Anne-Catherine Sabas m’a demandé de présenter son livre, j’ai accepté tout de suite. Je suis son travail depuis plusieurs années et je suis admiratif de sa capacité à produire des textes subtils et élégants destinés au grand public sans être de la pâle vulgarisation psychologique.
Et puis j’ai découvert le contenu et les propos tenus autour de ce concept si complexe qu’est la famille. Je me suis dit qu’il y avait comme de la familiarité entre elle et moi, de la connivence intellectuelle qui pouvait m’amener à accepter d’écrire pour elle. Nous formions une sorte de couple père-fille à certains moments et frère-sœur à d’autres. Et, de fait, de m’apercevoir que nous formons souvent, les uns et les autres, des familles symboliques que nous n’investissions pas comme telles. J’ai donc été amené à me dire que, finalement, Anne-Catherine Sabas ne parlait pas seulement de la famille au sens strict du terme dans ce livre mais de notre humanité la plus profonde. De la famille humaine que nous formons à l’échelle même de cette planète si endommagée.
J’ai lu ce livre avec au fond de moi cette idée de la famille universelle, du lien profond et fécond qui nous unit au-delà des cultures et des frontières.
Le titre de cet opus annonce déjà la philosophie qui sous-tend les propos de l’auteure: Une famille enfin paisible. Ce qui laisse entendre que la paix, donc le meilleur existe, mais le pire aussi et qu’il y a un choix à faire! Comment ce choix peut-il être accompli afin de rendre nos vies un tant soit peu meilleures au cœur même de nos familles, de ces liens systémiques si singuliers?
Anne-Catherine Sabas nous propose un voyage dans le creuset familial qui est une tentative de compréhension de la
construction du pire mais aussi de l’édification du meilleur. C’est à une vraie transmutation alchimique qu’elle nous invite. Déposer les armes, inviter à la réconciliation, réparer, trouver la juste attitude, ces pistes, et bien d’autres encore sont posées comme des axes de réflexions et de changements potentiels.
Et, au-delà de l’aspect théorique, l’auteure ouvre la voie sur une dimension concrète au travers d’exercices pratiques inspirés des approches de Carl Rogers, Jacques Salomé et d’autres…
C’est en cela aussi que ce livre ouvre une voie nouvelle. Le changement de paradigme auquel il invite ne peut se
faire uniquement en solitaire. Il implique, de fait, une réorganisation systémique qui implique tous les membres
d’une même famille. On sait que dans la théorie systémique il suffit que l’un des acteurs change pour que tout le système soit concerné. Mais cela ne veut pas dire obligatoirement que le système (la famille en l’occurrence) va accepter ce que les changements peuvent entraîner comme modifications. Il y a donc un engagement collectif qui est concomitant aux engagements individuels. L’échelle du changement est donc plus vaste et plus complexe!
Réparer une blessure à la fois individuelle et collective ne peut se faire que si la nature de la blessure et la mise en place de la réparation sont reconnues par tous les acteurs en présence. Il s’agit donc d’une entreprise d’intelligence relationnelle collective.
Un élément me semble important dans ce processus, c’est l’acceptation d’une nécessaire vulnérabilité pour que cette transmutation alchimique puisse s’effectuer. Et cette vulnérabilité se doit d’être éprouvée à plusieurs, ce qui modifie considérablement la nature des liens et les rôles dévolus à chaque personne de la famille.
Ce que propose Anne-Catherine Sabas est également un bouleversement des représentations de chaque membre au sein même de la cellule familiale. Les fonctions parentales, l’organisation de la fratrie et les dimensions généalogiques s’en trouvent secouées.
Avant de terminer ce texte, je voudrais revenir à ce que j’essayais de dire au début de celle-ci. C’est-à-dire combien le fait d’amener une paix relationnelle au cœur même des familles peut entraîner une vision plus pacifiée de la grande famille humaine. Le microcosme peut ainsi aider le macrocosme. Et les mots pour le meilleur et sans le pire peuvent prendre une coloration universelle.
Il me reste donc à remercier ma sœur et ma fille Anne-Catherine pour ce livre. Nous appartenons à la grande famille
disloquée des psys. Puisse cette famille profiter des conseils présents dans ce livre pour se réparer et avancer vers une plus grande entente et une plus parfaite conciliation des contraires.
Réparer les familles, penser et panser les blessures générationnelles, ouvrir la voie à un dialogue fructueux acceptant les émotions et les fragilités, conquérir ensemble de nouveaux territoires plus respectueux des différences tout cela tend à la vision d’un monde qui pourrait être meilleur.
Ce livre est une invitation à l’amour dans son expression la plus haute, la plus tranquille et la plus incandescente.
Alain Héril
Psychanalyste et formateur